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B. Qu'est ce qu'un logiciel libre ?



B.1. Contexte

Avant de définir en détail la notion de Logiciel Libre il me semble nécessaire de mettre en place le contexte historique et de parler des premiers balbutiements de cette méthode de partage des connaissances dans le monde informatique.

Le terme de Logiciel libre n'est apparu réellement que dans les années 80, avant cette date il existait déjà, et probablement depuis que l'informatique existe, des communautés d'informaticiens se partageant leurs logiciels, dans un but purement ludique. C'est dans les universités, principalement aux Etats-Unis, que des chercheurs ou de simples étudiants ont commencé à démocratiser l'idée. Ainsi au début des années 70, dans des universités comme l'Institut de Technologie du Massachusetts (MIT), l'une des universités les plus prestigieuses des États-Unis d'Amérique, des chercheurs avaient l'habitude de développer des logiciels qu'ils mettaient à la disposition de tous, aussi bien étudiants et ingénieurs. Il s'échangeaient leurs idées, leurs techniques pour améliorer la qualité et les fonctionnalités de leurs applications. C'est à l'initiative de ceux que l'on a coutume d'appeler hackers3, que cette philosophie s'est considérablement développée.

Par la suite, cette communauté a connu des passages à vide. Etant donné l'intérêt que représentait l'informatique beaucoup ont été engagés dans des sociétés privées et n'ont plus trouvé le temps dans leurs loisirs pour contribuer à l'expansion de ce type de logiciels. D'autre part, les éditeurs de logiciels propriétaires sont apparus en masse, avec l'idée selon laquelle il fallait interdire toute communauté coopérative. La règle qu'édictaient ceux qui détenaient le monopole d'un logiciel propriétaire était « Quiconque partage avec son voisin est un pirate. » Pour préserver leur travail ces sociétés ont lancé le principe de copyright (droit de copie) interdisant la copie les programmes informatiques.

Dans les années 1980, un informaticien qui appartenait à cette communauté d'universitaires partageant leurs logiciels a décidé de concrétiser l'idée et de s'y consacrer intégralement. Après avoir démissionné de son poste de chercheur au MIT, Richard Stallman a mis en place le principe du logiciel libre et s'est lancé dans un grand projet : le projet GNU (dont le logo est, bien sûr, un gnou). Le projet GNU (GNU is Not Unix4) est un projet de la Free Software Fondation (FSF ou fondation pour le logiciel libre créée en 1985) dont le but est de déveloper petit à petit tout un ensemble de logiciels qui mettraient gratuitement à disposition tous les outils nécessaires pour relancer l'activité des informaticiens autour des logiciels libres. Richard Stallman a commencé ce projet seul, juste après avoir créé la FSF (on reviendra plus tard sur le but de cette association). Pour anecdote, Stallman a d'abord développé l'éditeur de texte Emacs permettant aux informaticiens d'écrire leurs programmes puis s'est attaqué à GCC, le compilateur5 libre pour créer des applications. Aujourd'hui, si par exemple un travail nécessite l'utilisation d'un logiciel, alors tant qu'il n'existe pas de programme libre permettant de le réaliser, le système GNU contient une lacune. C'est là qu'intervient le travail des volontaires pour combler ces lacunes. C'est dans cette esprit que s'est développé le projet GNU.

    


Gnou : logo du projet GNU




Rapidement, des chercheurs, des informaticiens, des entreprises ont participé au projet, la communauté s'est étendue partout dans le monde avec le développement d'Internet. Aujourd'hui, cette communauté a une place non négligeable dans le monde informatique et fait parler beaucoup d'elle étant donné les opportunités qu'elle fait naître.



B.2. Définition

Les logiciels libres sont ceux disponibles sous forme de code source6, lesquels peuvent être distribués et modifiés librement. Un logiciel libre n'est pas forcement gratuit. L'ambiguïté vient de l'expression d'origine free software, puisqu'en américain free signifie aussi bien libre que gratuit. L'expression « logiciel libre » fait référence à la liberté et non au prix. Pour bien comprendre cette idée il faut penser à la « liberté d'expression ».

L'expression « Logiciel libre » fait référence à la liberté pour les utilisateurs d'exécuter, de copier, de distribuer, d'étudier, de modifier et d'améliorer le logiciel. Plus précisément, elle fait référence à quatre types de liberté pour l'utilisateur du logiciel:

Un programme est un logiciel libre si les utilisateurs ont toutes ces libertés. Ainsi, vous êtes libre de redistribuer des copies, avec ou sans modification, gratuitement ou non, à tout le monde, partout. Être libre de faire ceci signifie (entre autres) que vous n'avez pas à demander ou à payer pour en avoir la permission.

Pour conclure cette partie, je reprendrais la philosophie que véhiculent les investigateurs des logiciels libres, à savoir que le logiciel libre est une question de liberté : tout le monde devrait pouvoir être libre d'utiliser des logiciels de toutes les façons utiles socialement. Le logiciel, contrairement à des objets matériels (tels que des chaises, de l'essence ...) peut être copié et modifié beaucoup plus facilement. Ces investigateurs affirment que les utilisateurs de logiciels devraient pouvoir les utiliser.



B.3. Les licences

Lorsque l'on parle de licences et de logiciels libres, il faut faire très attention. En effet, il n'existe pas de licences Libres, mais uniquement des licences qu'il est possible de qualifier du mot libre. Il y a ensuite les licences qualifiables d'Open Source et enfin les licences propriétaires. Il est courant de faire automatiquement la liaison entre Logiciels Libres et GPL7. C'est de la GPL dont je vais principalement parler mais ce n'est pas la seule dont les termes définissent un logiciel comme étant libre.

Avant d'entrer dans les détails de la licence GPL je vais faire un petit tour d'horizon des différentes licences.

a - Logiciel libre copylefté

Le logiciel sous copyleft est un logiciel libre, dont les conditions de distribution interdisent aux nouveaux distributeurs d'ajouter des restrictions supplémentaires lorsqu'ils redistribuent ou modifient le logiciel. Ceci veut dire que chaque copie du logiciel, même si elle a été modifiée, doit toujours être un logiciel libre.

Dans le projet GNU, presque tous les logiciels sont soumis au copyleft, car le but est de donner à chaque utilisateur les libertés garanties par le terme « logiciel libre ». GNU a donc mis en place la licence GPL dont on reparlera plus tard qui permet ainsi d'être sûr que le logiciel restera dans le monde libre.

b - Logiciel libre non-copylefté

Le logiciel libre non-copylefté est diffusé par son auteur avec la permission de le redistribuer et de le modifier, mais aussi d'y ajouter d'autres restrictions. On nomme souvent ses logiciels comme semi-libres.

Si un programme est libre, mais non-copylefté, alors certaines copies ou versions modifiées peuvent ne plus être libres. Une société informatique peut compiler ce programme, avec ou sans modifications, et distribuer le fichier exécutable sous forme de produit logiciel propriétaire.

c - Logiciel du domaine public

Logiciel du domaine public veut dire logiciel non soumis aux droits d'auteurs. C'est un cas particulier de logiciel libre « non-copylefté », ce qui veut dire que certaines copies, ou certains versions modifiées, peuvent ne pas être libres. Un logiciel appartenant au domaine public ne possède aucun droit de copie et tous ses éléments peuvent être vus, copiés et utilisés quelque soit le but.

d - Logiciel couvert par la GPL

La GNU GPL (Licence Publique Générale GNU8) est un ensemble spécifique de conditions de distribution pour copylefter un programme. Le projet GNU l'utilise comme conditions de distribution de la plupart de ses logiciels.

La licence GPL est aujourd'hui la plus utilisée dans le monde du logiciel libre et favorise son bon développement.

Il existe beaucoup d'autres licences autour des logiciels libres : on peut citer rapidement la BSD Licence mais le monde du logiciel libre ne s'accompagne pas uniquement de licences logiciels.

Il existe aussi beaucoup de licences sur les documents et créations artistiques. Il y a par exemple la Licence Art Libre Version 1.1 dont l'autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l'auteur. Loin d'ignorer les droits de l'auteur, cette licence les reconnaît et les protège. Elle en reformule le principe en permettant au public de faire un usage créatif des oeuvres d'art. C'est la raison essentielle de cette Licence Art Libre : « promouvoir et protéger des pratiques artistiques libérées des seules règles de l'économie de marché ».



B.4. Différence logiciel libre / logiciel propriétaire

Tout d'abord il me semble important de revoir la définition du logiciel propriétaire avant de chercher les différences avec les logiciels libres.

a - Logiciel propriétaire

Le logiciel propriétaire est un logiciel qui n'est ni libre, ni semi-libre. Son utilisation, sa redistribution ou sa modification sont interdites, ou exigent une autorisation spécifique, ou sont tellement restreintes que vous ne pouvez, en fait, pas le faire librement.

L'immense majorité des logiciels vendus dans le commerce par les éditeurs, comme Microsoft, sont distribués en version «exécutable», alors que les logiciels libres sont fournis avec leur «code source».

b - Différences de fond


Shéma : Processus de compilation












On a défini précédemment la notion de « code source » et « d'exécutable », le passage de l'une à l'autre version s'opère grâce à une «compilation», qui traduit le code source (des lignes écrites en usant de langages de programmation maîtrisés par les informaticiens) en code exécutable (uniquement compréhensible par l'ordinateur). Avant d'être vendue dans le commerce, une version d'un logiciel en code source est construite patiemment par les programmeurs d'une entreprise. Les logiciels libres sont livrés sous cette forme, tandis que des sociétés comme Microsoft ou Lotus vendent le seul code « exécutable » (ou vendent plus exactement la licence), le reste étant considéré comme secret industriel et cuisine interne.

Hormis la disponibilité du code source un argument qui ne peut que séduire est le prix. En effet un logiciel équivalent peut être vendu plusieurs milliers de francs alors que l'on peut en trouver une version gratuite grâce aux logiciels libres. (Remarque : la gratuité n'est qu'une conséquence de la liberté car un logiciel libre peut etre vendu).

Enfin, contrairement aux logiciels propriétaires qui isolent les utilisateurs et leur imposent une façon d'appréhender l'informatique, le monde libre crée un réel échange de savoir, de connaissances et permet à chacun de profiter des nouvelles technologies. C'est un outils remarquable pour apprendre, se former : ce n'est d'ailleurs pas étonnant qu'il soit autant présent dans les universités.



B -5 - Les acteurs

Les acteurs du monde libre sont nombreux et le chiffre augmente chaque jour. On y compte tous les informaticiens de bonne volonté désireux de participer à ce « collectivisme high tech ». Certaines associations, exposées précédemment, comme la Free Software Fondation dirigée par Richard Stallman, oeuvrent pour le développement et la promotion du logiciel libre. Le projet GNU de la FSF a joué un rôle déterminant dans la création de Linux (dont le logo est un manchot) qui est le nom du système d'exploitation9 libre. Il existe également des associations françaises comme l'AFUL10 dont le but est également de promouvoir le logiciel libre.


Tux : logo de Linux

Autre initiative de la fondation de Stallman : une licence adaptée à ce modèle, la GPL (General Public licence), dont on a parlé dans le chapitre sur les licences, qui stipule que les programmes libres sont la propriété de leurs auteurs et qu'ils doivent être distribués sous forme de code source. Avec cette licence, quiconque peut faire commerce d'un logiciel libre, même avec des modifications de son cru, mais il n'a jamais le droit de le «verrouiller» à son seul profit. La GPL garantit ainsi que les programmes restent toujours librement disponibles, assurant la pérennité du système.

Chacun peut participer à ce projet à l'échelle mondiale pour partager son savoir faire. Ce développement s'est accéléré par la mise en place de cet immense réseau que représente Internet. En effet ce sont des développeurs du monde entier qui peuvent se retrouver pour créer de nouvelles applications.

La communauté du logiciel libre ne se compose pas uniquement d'informaticiens mais également de juristes qui vérifient le bon fonctionnement et proposent des solutions aux différents problèmes législatifs.

C'est aussi le cas pour des enseignants dans la petite école qui, soucieux d'informatiser leur école à moindre frais, proposent des idées aux développeurs qui tentent de combler les lacunes. Les exemples sont nombreux et touchent la plupart des gens désireux de participer à ce projet.

Les logiciels libres ont une dimension humaine dans le sens où ils rapprochent les hommes dans un grand projet de diffusion de la connaissance. A ce propos, en 2001, l'UNESCO a offert son soutien au mouvement Free Software. Richard STALLMAN, invité en juin dernier par l'UNESCO, à s'exprimer sur la cause « logicielle » a dit : « L'UNESCO a toujours soutenu l'extension et la propagation de la connaissance humaine. Je lui en sais gré, dans le domaine qui m'intéresse, le logiciel, car aucune application propriétaire ne pourrait mieux accomplir cette merveilleuse tâche qu'est le partage de la connaissance ». Depuis, l'organisation dispose, sur l'Internet, de ressources spécifiques. Un portail est d'ailleurs disponible11.

La notion de logiciel libre étant maintenant bien définie, il est intéressant de se pencher sur l'une des plus grande réussite du monde libre : à savoir GNU/Linux. Qu'est ce que c'est ? Quels sont ses avantages par rapport à d'autres équivalents sous licence propriétaire ? Qui peut l'utiliser ?


3 Ce mot est employé ici dans le sens « qui aime programmer et apprécie de le faire de manière astucieuse et intelligente. » (personne que l'on pourrait qualifier de bidouilleur en informatique) et non dans le sens, pourtant mal utilisé, de « personne qui viole des systèmes de sécurité ».

4 UNIX est un système d'exploitation (un système d'exploitation, OS, est le programme de base de l'ordinateur, il permet à l'utilisateur d'exploiter toutes les fonctionnalités de son ordinateur tel que gérer une imprimante, enregistrer des données sur un disque dur ou une disquette ...). Le système d'explotation développé par le projet GNU reprend des idées de l'OS Unix mais ce n'est pas Unix.

5 Voir Glossaire (voir aussi code source et exécutable)

6 Voir Glossaire pour une explication des notions code source et exécutable.

7 General Public Licence : licence référence pour les logiciels libres, elle est le fruit du labeur de la Free Software Fondation . La FSF (Free Software Foundation) a été fondée au début des années 80 par Richard M. Stallman, chercheur au laboratoire d'Intelligence Artificielle du MIT. Le but de cette fondation est de développer des logiciels libres.

8 La version complète de la licence GPL est disponible à l'adresse suivante : http://www.gnu.org/copyleft/gpl.html

9 Voir Glossaire

10 AFUL : Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres. L'AFUL est une association d'utilisateurs et de professionnels du logiciel libre. Elle comprend des membres - individus, sociétés commerciales, autres associations - dans une dizaine de pays francophones (France, Belgique, Suisse, Québec, Maroc, Tunisie,Algérie...). Site Web : http://www.aful.org/

11 Portail de l'UNESCO pour les logiciels libres : http://www.unesco.org/webworld/portal_freesoft/index.shtml


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